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L’aventure Peace and Lobe, et alors ?

Publié le 10/04/2017

Depuis 2007, les 4Ecluses s'impliquent dans la campagne Agi Son et s'investissent auprès de plus de 2 000 élèves autour de la problématique des risques auditifs...

Sensible à l'évolution du secteur dans ce domaine, toute l'équipe est vigilante au confort du public et des artistes (application de la loi 105db, mise à disposition de bouchons d'oreilles gratuits, accès à des espaces calmes durant les concerts pour faire des pauses). Un concert pédagogique à destination des collégiens et lycéens vient compléter, renforcer et confirmer cette action. Rencontre avec les membres de l'équipe de Peace and Lobe...

Pouvez-vous présenter votre parcours d'artiste en quelques mots ?

Guillaume Singer : J'ai commencé la guitare à l'âge de 16 ans alors que j'écoutais quelques albums de Dire Straits et de AC/DC qui appartenaient à mon frère. Je suis un musicien autodidacte et j'ai appris la guitare en parallèle de mes études. J'ai beaucoup écouté et travaillé les albums de guitar heroes et de métal. Je travaillais à cette époque des cassettes vidéos (VHS) de Ritchie Kotzen, Yngwie Malmsteen et autres vidéos REH. Cela semble bien ringard maintenant !  Joe Satriani, Nuno Bettencourt (Extreme), Zakk Wylde, James Murphy Metallica, Testament, Metallica, Pantera, Megadeth, Steevie Ray Vaughan sont les influences de mes débuts et j'écoutais aussi des groupes comme Alice in Chains, Soundgarden. J'aimais et j'aime toujours ces chants clairs et torturés.
J'ai évolué dans quelques groupes et développé mon groupe de métal « Dead Season », l'aventure se poursuit avec un nouvel album à paraître en avril 2017.

Jules Antoine Escande : J'ai commencé le violon à 5 ans, la guitare à 15, la basse à 17 ans parce que des copains fondaient un groupe et qu'il n'y avait pas de bassiste ! 17 ans plus tard, je vis toujours de ma passion en kiffant chaque journée qui passe... Je suis devenu professionnel après avoir fait le Centre des Musiques Actuelles à Valenciennes (l'expérience qui a changé ma vie!). Depuis, j'ai continué à passer des diplômes (Conservatoire de jazz de Tourcoing, conservatoire de musiques actuelles de Cambrai), à jouer dans des groupes, à composer et et à enseigner la basse et la guitare.

François Schmitt : J'ai commencé la musique en groupe à Lille durant mes études de sciences politiques. Après les études j'ai fait un tour dans la gestion de ressources humaines et j'ai vite compris que l'appel était plutôt côté scène que côté bureau.
Pour en vivre j'ai commencé par faire de la technique pour le théâtre et du coaching vocal en entreprise. Assez rapidement j'ai dégoté deux boulots comme chanteur : dans une revue au Casino de Lille et dans Peace & Lobe. Depuis, ça tourne comme chanteur et pianiste. À côté des projets qui font manger, le but est surtout de composer. C'est ce que je fais dans trois projets de cœur : Holkash mon rock band avec Simon Fache le clavier-héroe fou ; Chanteurs d'Actu où on fait comme son nom l'indique des chansons sur l'actualité en mode désintoxication médiatique, et enfin mon projet « solo » : Schmitt qui fait sa première au Bar Live de Roubaix le 21 avril.

Gaël Lecocq : J'ai fait des études musicales essentiellement axées sur le jazz. En parallèle, j'ai de nombreuses expériences dans tous styles. J'ai officié entant que prof quelques temps avant de me consacrer exclusivement au métier de musicien.

Depuis combien de temps êtes-vous dans l'aventure Peace and Lobe ?

G.S : Voilà six années (déjà !) que j’ai embarqué dans l’aventure Peace and Lobe après qu’un ami m’ait parlé de ce projet porté par l’ARA.

JA.E : Depuis 2011. Un copain m'a parlé du projet, de l'audition pour être engagé. Je l'ai passé... et j'ai été pris.

F.S : Depuis le début ou presque. Une première équipe a lancé le projet sur deux saisons, puis on a pris le relais avec l'équipe actuelle. Cette année c'est notre sixième saison, pour plus de 300 concerts.

G.L : je dois être le plus ancien de la bande,  depuis 8 ans environ.

Pourquoi vous engager dans une démarche de sensibilisation aux risques auditifs ? N'est-ce pas contradictoire avec votre quotidien d'artiste?

G.S : J’ai été séduit par le côté pédagogique de la démarche de prévention. Nous donnons de nombreuses informations sur le fonctionnement de l’oreille mais aussi sur quelques principes de base de l’acoustique, ce qui n’a pas manqué d’interpeller mon passé de scientifique. Aussi, le côté historique du spectacle me plaît beaucoup. Je dois dire que j’ai moi aussi appris pas mal de choses au niveau de l’enchaînement des différents courants musicaux. Cette démarche n’est pas contradictoire mais complémentaire. Je joue dans des groupes de métal et en concert comme en répétition, les protections auditives sont bien souvent nécessaires. Le volume sonore fait partie de la culture de ce genre musical.

JA.E : Bien au contraire ! L'oreille, c'est notre outil de travail, mais aussi notre fond de commerce ! Avec des problèmes auditifs, difficile de travailler quand on est musicien. Et si nous détruisons les oreilles de nos publics... on va vite se retrouver sans public... et sans boulot !

F.S : Très complémentaire au contraire. Au quotidien on essaie d'éviter de se bousiller les oreilles, et on connait tous des collègues qui se sont beaucoup abîmés. Moi j'ai vraiment pris conscience de cette problématique en bossant sur le spectacle et ça m'est depuis très utile pour « écouter mes oreilles » et faire un peu gaffe à ne pas trop les abimer.

G.L : Pour moi, ce n' est pas contradictoire car nous y sommes confrontés justement. Nous avons nous-mêmes appris en montant ce spectacle, avons changé nos comportements, et en faisons profiter notre jeune public.

Ce concert de prévention retrace également l'histoire des musiques actuelles. Vous êtes en partie force de proposition sur la ligne artistique. Comment les choix se sont opérés ? Et en quoi cela sert le propos ?

G.S : Au tout début du spectacle, les choix avaient été suggérés par la direction artistique lors des résidences de création. Depuis, le répertoire a bien changé et nous nous sommes fait un peu plaisir sur certains titres : Black Sabbath, Sex Pistols, Elvis, Rage Against the Machine, Metallica, Red Hot Chili Peppers, NTM… Tout cela est très rock et ce n’est pas pour me déplaire ! Nous changeons les morceaux chaque année pour varier la playlist. Aussi, nous sommes contraints de faire des choix car nous ne pouvons pas être exhaustifs, il y aurait tellement à dire. Un spectacle d’une heure ne suffirait pas à retracer l’histoire d’un seul genre musical. Les choix sont aussi faits en fonction des orchestrations des morceaux, nous ne pouvons pas « tout » reprendre.

JA.E : La ligne directrice des musiques actuelles a été choisi dès la première mouture du spectacle, il y a 6 ans. Par contre, la manière de traiter le sujet a vraiment évolué au fil des années, des retours du publics et de notre propre expérience. Cette ligne s'est vite imposée à nous puisque les questions de la technique, de l'amplification et de l'esthétique musical ont toujours été liées entre elles. Lorsqu'on perfectionne les procédés d'enregistrement et les circuits de diffusion, les phénomènes de masse apparaissent (comme avec les Beatles au début des années soixante, par exemple). On a donc besoin de pouvoir accueillir plus de public, dans des lieux plus grands, avec plus d'enceintes. On se rend compte des possibilités offertes par l'amplification, on commence à triturer les sons et apparaissent les premiers claviers, les premiers effets... qui permettent alors à leur tour à de nouveaux styles de musiques, qui demandent d'autres procédés techniques, qui sont alors utilisés pour défricher de nouveaux horizons, etc. Un des exemples les plus flagrants en est bien sûr la musique électro : de l'apparition des premières boîtes à rythmes aux gigantesques raves party en passant par le développement du Home Studio, on en a fait du chemin grâce au matos !

F.S : L'histoire de la musique fait partie du cahier des charges et au-delà d'un certain état d'esprit présent dès la création de Peace & Lobe. L'idée n'est pas tant de faire une vraie histoire de la musique (on n'a pas le temps) que de balayer les principaux styles en partant du blues jusqu'à nos jours. Le message central c'est que toutes les musiques qu'on écoute sont profondément liées : une façon de combattre la division en tribus et de prêcher l'ouverture des esprits à la différence.
Concernant les choix de playlist, ils se font surtout sous contrainte, puisqu'on a en général le temps de jouer 3 bouts de morceaux par décennie. On essaie à chaque fois de résoudre une équation : importance historique de l'artiste / du morceau + chances que ça plaise / soit reconnu par le public + plaisir / capacité à jouer le morceau avec les contraintes de notre line up.
La grande règle : changer chaque saison au moins 50% du répertoire, et systématiquement le meddley 2000-2010 où on vise les derniers titres en vogue auprès des gamins.

G.L : Le choix artistique est démocratiquement défini dans le groupe. Il sert à illustrer l'évolution des pratiques musicales, à mettre un peu de fun aussi…

Depuis vos débuts de musiciens, trouvez-vous qu'il y a une sur enchère au « toujours plus fort, toujours plus longtemps » ?

G.S : Au contraire, je pense que la diffusion lors des concerts est très encadrée. Le décret sur les 105 dB, la formation des personnels techniques, les dispositifs de prévention et l’évolution des mentalités y sont pour beaucoup. C’est du moins ce que je retire de ma propre expérience de public de concerts.

JA.E : Pas vraiment. Ou plutôt, disons qu'il y'a un temps et/ou un lieu pour tout. Je pense qu'il y'a plus de risques quand on est amateur, qu'on manque d'expérience ou de recul, et que la pratique de la musique fait aussi office de défouloir. Dans le circuit de musicien professionnel, tout le monde est conscient qu'il vaut mieux éviter de trop jouer avec le feu. Mais il arrive qu'on s'expose encore de manière déraisonnable. Il faut dire que la sensation physique du gros son est assez plaisante pour qu'on en oublie parfois d'être prudent.

F .S : Au contraire c'est la dynamique inverse dans la plupart des salles de spectacle, ainsi que chez bon nombre de musiciens.

G.L : Je pense qu'il n' y a de surenchères sonores que dans certains styles de musique. Ceux dont le volume fait partie de l' esthétique.

Cette question de santé auditive ne se posait pas il y a 15 ans, ne vous sentez vous pas trop éloignés des préoccupations et pratiques des jeunes auxquels vous vous adressez ?

G.S : Pas du tout. J’ai déjà eu quelques ennuis après un concert et je ne le souhaite à personne. Les usages ont changé, l’écoute au casque est devenue une pratique très courante. Aussi l’omniprésence du son ne fait pas reculer les dangers d’une écoute à fort volume ou sur une durée prolongée.

JA.E : Oui et non. Lorsqu'on leur parle de concert, c'est vrai qu'ils se sentent peu concernés. Par contre, lorsqu'on aborde la problématique du lecteur MP3, les observations qu'on leur fait et les conseils qu'on leur donne ont un aspect concret qui leur parle.

F.S : Il y a forcément un décalage entre une personne de 35-40 ans et une autre de 16 ans. Mais là où je ne suis pas d'accord c'est qu'il y a quinze ans la problématique existait déjà : pas trop sur le baladeur qui était moins généralisé, mais déjà très largement sur la question du live et des pratiques musicales. La plupart des collègues souffrant de gros problèmes acoustiques ont 50 ans et plus. J'ai toujours vu dans le métier des gens dont les oreilles saignaient régulièrement. Pour finir aujourd'hui même les vieux ringards comme nous ont un smartphone et des écouteurs. On est tout aussi concernés que notre public par la question de leur utilisation.

G.L : Je ne me sens pas éloigné des pratiques / préoccupations des jeunes car j' ai les mêmes à la maison !

Pensez-vous que cette sensibilisation est uniquement du ressort des musiciens et salles de concerts ou l'industrie musicale devrait s'en inquiéter (professionnels du Hi Fi …) ?

G.S : Il est normal que les salles de concerts soient impliquées dans cette démarche, comme tous les lieux recevant du public. Au niveau des fabricants, les efforts à fournir devraient être portés sur la capacité des lecteurs à être équipés de dispositifs pouvant décoder les fichiers sans pertes (non compressés : flac, wav, mp4…). La plupart des autoradios modernes ne lisent que le mp3 par exemple.
Au niveau de l’écoute individuelle au casque, nous faisons tomber quelques légendes urbaines sur les qualités vantées par la publicité de certains fabricants de casques. L’offre de matériel de qualité est bien présente mais il s’agit de pouvoir s’y retrouver. C’est là aussi une des missions de Peace and Lobe.

JA.E : Si le business s'occupait de la santé des gens, ça se saurait. Or que ce soit dans le domaine des transports, de la nourriture ou même de la santé, la question primordiale reste celle de l'argent et des opportunités de profit qu'offrent chaque situation de la vie. L'industrie musicale commencera à s'en préoccuper lorsque ses clients le lui demanderont et que ça deviendra un argument de vente. En attendant, et pour que ça arrive, c'est à la fois aux pouvoirs publics, mais aussi aux citoyens de faire passer le message, comme dans bien d'autres domaines, d'ailleurs.

F.S : Je ne sais pas trop. Les pros de l'industrie musicale n'ont certainement pas intérêt à ce qu'on commence à étiqueter leur produit « potentiellement toxique ». Cela dit ça ne me paraîtrait pas délirant qu'on affiche la puissance atteinte par les lecteurs mp3 et qu'on généralise les systèmes servant à alerter les usagers, par exemple la coloration en orange puis rouge de la barre de volume comme ça se fait de plus en plus. Et les vendeurs de disques ou de numérique en format loseless trouveraient dans la prévention matière à faire une super pub pour leurs produits. Cela étant, ça m'étonnerait que grand chose bouge de ce côté là sans contrainte légale et une volonté politique de faire de la prévention sur le terrain des risques auditifs.

G.L : C'est difficile de tout légiférer... Pédagogie et prévention avec un maximum d'acteurs !

Un grand merci à vous, en attendant de vous retrouver pour de nouveaux concerts !

 

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