Déjà voisin des 4EC, le théâtre de Dunkerque construit en 1845 : porche abrité, loges du maire, du sous-préfet, du général et autres par abonnements tirés au sort qui créent la concurrence des mondanités, plus 1200 places du parterre au paradis. Haut lieu de l’oreille et du brouhaha bihebdomadaire, le théâtre est à la disposition de la municipalité pour ses cérémonies et évènements de charité, et à celle du directeur délégataire d’octobre à février.
Sounds of 1897
Avant Deezer et Thomas Edison, la musique existait déjà ! Oui mais comment ? Depuis les rouleaux et le microsillon, on la capte et on la conserve. Depuis Youtube, Tricky, Callas et Adèle sont à la maison. Oui mais avant ? Un exemple au hasard : écouter de la musique à Dunkerque il y a 120 ans...
L’autorité municipale, soucieuse du divertissement public, crée les conditions de la promotion des arts, de la diffusion de la création ainsi d’ailleurs que du contrôle des comportements et de l’opinion.
Pour toutes ces raisons, elle s’efforce d’encadrer la vie musicale et même de contractualiser la programmation. Si les « cafés-chantants » et les « spectacles forains » font l'objet d’une attention policière, les saisons du Kursaal, du printemps à l’automne, et surtout du théâtre municipal, d’octobre à Carême, sont soumises à des conventions.
Dans celle de la « 18ème saison » du théâtre du 4 octobre 1896 au 25 février 1897, le maire exige du délégataire 42 représentations « obligatoires et subventionnées » à donner le dimanche et le jeudi de chaque semaine, plus six autres possibles le mardi avec des troupes de passage. 24 « opéras comiques » ou « grandes opérettes » sont requis, à ne pas jouer plus de deux fois.
Ainsi sont présentés en cinq mois Faust, Lucile, Traviata, Rigoletto, La Favorite, Romeo et Juliette, Carmen, Haydée, Le Songe d’une nuit d’été, Mignon, Fra Diavolo, Les Pêcheurs de perles, Mireille, Zampa, Les Mousquetaires de la Reine, Galathée, Les Dragons de Villars, Martha, La Fille du régiment, Les Noces de Jeannette, Le Maître de chapelle, Le Domino noir La Fanchonnette, La Vivandière, soit les 24 pièces exigées, ainsi que 26 « opérettes » et 41 « drames, comédies et vaudevilles » composant les débuts de programme !
Les Dunkerquois entendent donc tous les airs du temps… par des interprètes à demeure qui jouent de nouvelles partitions chaque semaine dans une économie des plus fragiles : il revient au directeur d’équilibrer les ressources pour une quarantaine de chanteurs et musiciens suivant un cahier des charges très contraignant, voire impraticable. Faute de moyens, le chœur n’est pas au niveau et le reste pas toujours non plus. Les spectateurs et la presse ont la dent dure… et les directeurs sont en général éphémères comme l’anticipe l’article 26 du cahier des charges: « En cas de faillite, déconfiture ou fuite du directeur, le cautionnement restera acquis à la ville… ».
The sounds of 1897 ont donc déjà les qualités inhérentes à la création et la diffusion musicale : tout est fait pour, tout est prévu, et des fois ça marche ! Let the good times roll !
PS : Pour arrondir les ressources, le directeur du théâtre est autorisé à faire un bal de mardi gras… à condition qu’il prenne en charge le nettoyage !